Le cabinet de travail

Huile sur bois

^{Salvator Mundi (Sauveur du monde), XVe siècle, attribué à Nicolas Froment (1430/1435-1486)
Huile sur bois
Hauteur : 92.5cm ; largeur : 80cm
D.R.112}

A la fin du Moyen Âge se développe l’image d’un Christ créateur de toute chose, le Salvator Mundi. Auréolé, il bénit de la main droite et tient dans la main gauche l’orbe, sphère surmontée d’une croix, symbole de la domination temporelle et spirituelle du Christ sur le monde.  Une variante affranchie du nimbe et de la croix sera introduite avec succès par Léonard de Vinci au XVIe siècle. La représentation frontale et le regard orienté vers le spectateur indiquent le souci d’une relation directe avec le divin, dans un acte de dévotion privée.

Originaire de Picardie, formé dans les Flandres, peut-être dans l’atelier de Dirk Bouts selon certaines sources, et en Italie, Nicolas Froment s’établit définitivement en Provence où il devient peintre officiel de la cour du roi René d’Anjou. Il gardera toutefois un style proche de l’esthétique flamande. La comparaison du visage du Salvator Mundi avec le modèle des Christ et des apôtres des œuvres du maître flamand pourrait l’attester (chevelure effilochée, grands yeux presque globuleux, barbe courte et clairsemée, etc.). En revanche, la confrontation du Salvator Mundi avec d’autres réalisations de Nicolas Froment est plus délicate. Le traitement maladroit du pouce et disproportionné de la main qui bénit ne souffre d’aucune comparaison avec la main droite du Père, visible dans la partie sommitale du « Retable du buisson ardent », commande du Roi René et œuvre attestée de Nicolas Froment (cathédrale d’Aix-en-Provence). Malheureusement, la disparition d’une grande partie de la production du peintre ne permet pas de pousser plus loin les investigations.
 

Huile sur bois

^{Huile sur bois
Vers 1535, version d’un tableau disparu de Rogier Van der Weyden (Rogier de la Pasture, 1399/1400-1464)
Hauteur : 85cm ; Largeur : 61cm
Signature avec monogramme (illisible)
CL M.H. 28-04-1936
D.R.137}

Au soir de la Crucifixion, après avoir rendu son dernier souffle, le Christ est descendu de la croix par Joseph d’Arimathie. Avec Marie et saint Jean, tous trois entourent le supplicié et leurs regards convergent vers son visage, dans un dernier élan de tristesse et de compassion.

Le tableau de Montaigu fait partie des 21 versions connues d’une Déposition exécutée par Rogier Van der Weyden et aujourd’hui disparue. Trois autres exemplaires sont localisés en Lorraine : à Nancy au musée des beaux-arts et au Musée Lorrain (partie centrale d’un triptyque) ainsi qu’à Saint-Nicolas-de-Port dans l’église des Rédemptoristes.

 A Montaigu, le style de la représentation est qualifié de franco-flamand. Il associe la vigueur et la puissance nordique qui s’estompent ici au profit d’un art plus humanisé, d’expressions apaisées, visibles sur les traits plus doux des visages de la Vierge et de saint Jean. Si l’historiographie contemporaine a longtemps discrédité les copies des maîtres flamands de la fin du Moyen Âge, cette pratique suscite aujourd’hui un grand intérêt.  Elle mesure au nombre de copies réalisées la renommée du peintre et permet parfois de suivre l’itinéraire parcouru par l’orignal. Grâce aux copies, il est possible de « reconnaître » une œuvre perdue.  Le classement Monument Historique du tableau de Montaigu vient attester de sa valeur historique.

En l’absence du modèle original, les visages des Vierges des copies sont souvent comparés à celui de la Vierge du Jugement Dernier, œuvre magistrale du maître flamand conservée aux Hospices de Beaune. Celui de la Vierge de Montaigu compte parmi les plus proches.

Commode Doirat

^{Bois d’amarante et de violette, bronze, marbre brèche rapporté
Époque Régence, attribuée à  Etienne Doirat (1675-1732)
Hauteur : 85cm ; Largeur : 147cm ; Profondeur : 60cm
Estampillée sur le montant arrière gauche
D.R.341}

Issu d’une famille de maçons et d’artisans menuisiers installée au Faubourg Saint-Antoine à Paris, Etienne Doirat obtient sa maîtrise au tout début du XVIIIe siècle. Outre quelques grandes armoires, secrétaires et tables de salon, la spécialité de l’ébéniste reste la commode richement ornée de bronze aux motifs Régence et Rocaille.

La commode de Montaigu dite « tombeau » en raison de son aspect massif et lourd, présente une forme galbée sur trois faces. Elle ouvre en façade par trois rangs de tiroirs rentrants et seulement deux traverses intermédiaires. Les montants antérieurs sont pincés et les postérieurs sont à léger ressaut. Le dessus de marbre blanc veiné de rouge est doté sur trois côtés de becs de corbin. Les bois d’amarante et de violette sont plaqués en feuille et marquetés en frises alternant parties claires et foncées en forme de chevrons.

 La riche garniture de bronze doré emprunte au répertoire décoratif et original typique de Doirat. Il se compose de chutes feuillagées à tête de femme à collerettes sur les montants, de poignées de tirage godronnées et à palmettes, de sabots à l’extrémité des pieds recourbés, d’entrées de serrures aux chimères et enfin d’un masque féminin flanqué d’acanthes au tablier.
Peu connu, Etienne Doirat fut pourtant un des plus grands ébénistes du règne de Louis XIV et un des premiers à utiliser l’estampille (à la fin de sa carrière). Il est l’auteur d’une singulière et luxueuse production, avec laquelle il fournira, sa vie durant, une riche clientèle française et étrangère.

Bureau plat et cartonnier

^{Bois, placage d’ébène, peinture noire, bronze ciselé
XVIIe siècle et  XIXe siècle
Hauteur : 78cm ; Largeur : 194cm ; Profondeur : 98cm (bureau)
Hauteur : 52cm ; Largeur : 80cm ; Profondeur : 28cm (cartonnier)
D.R.335}

Sous le règne de Louis XIV, un nouveau type de meuble destiné à la correspondance fait son apparition : le bureau plat, souvent associé à un cartonnier composé de casiers de rangement, posé dessus ou disposé contre. Le Grand Siècle est également marqué par le développement des techniques de placage, en particulier avec le bois d’ébène, et de marqueterie en métal importée des Pays-Bas.

C’est André-Charles Boulle (1732-1742) qui exploitera de façon magistrale cette nouvelle invention grâce à ses multiples talents d’ébéniste, de dessinateur, de fondeur, de doreur et de ciseleur.  Il met au point la marqueterie dite en « partie » et « contrepartie » associant l’écaille de tortue, l’ivoire, la nacre et le cuivre ou le laiton. Il est le premier à utiliser des éléments en bronze ciselé sur un meuble afin d’en protéger les angles. La « marqueterie Boulle » fera de cet artiste hors norme « le plus grand ébéniste de tous les temps ».

L’attribution ancienne de cet ensemble mobilier à André-Charles Boulle doit être remise en cause. Si le cartonnier a bien été réalisé en placage d’ébène, le bureau a été recouvert d’une peinture noire. L’absence de marqueterie sur les deux éléments ne plaide pas en faveur de « productions Boulle », bien que de tels meubles soient connus.

Il faut donc envisager cet ensemble comme un récent assemblage d’un cartonnier possiblement exécuté au XVIIe siècle avec un bureau plat probablement réalisé au XIXe siècle. Quant aux motifs de bronze ciselé, proches de ceux présents sur les productions authentifiées de Boule, l’hypothèse de la récupération, maintes fois attestée par la documentation, reste la plus plausible.

Cheval mingqi

^{Terre cuite, restes de polychromie ancienne
Chine, dynastie des Tang (618-907)
Hauteur : 59cm ; Largeur : 63cm ; Profondeur : 24cm
D.R.94 ter}

Debout sur le socle, l’antérieur droit levé, la tête tournée vers la gauche, la bouche ouverte montrant les dents, la crinière ondulée et une selle amovible posée sur le dos, ce cheval fait partie de la catégorie des mingqi (objets de lumière), pièces funéraires retrouvées nombreuses dans les tombes du VIIIe siècle à l’époque de la dynastie des Tang. Si l’iconographie équine est particulièrement bien représentée, chèvres, oies, poissons, chiens, chameaux, mais aussi ponts, puits, jardins, viviers, fermes, étables, et parfois humains, etc., s’inscrivent dans ce répertoire afin d’assurer une vie prestigieuse du défunt dans l’au-delà.

L’animal, haut sur ses fines pattes, à la musculature ferme et saillante relève plus du type étalon que du poney court et trapu monté dans les steppes extrêmes orientales. Il traduit les intenses échanges commerciaux opérés sur les routes de la soie entre les Tang et les riches marchands arabes auprès desquels ils acquièrent des pur-sang. A la représentation du cheval en liberté à l’époque des Han (206 av. J.-C. 220 apr. J.-C.), aux chevaux harnachés sous la dynastie des Wei (386-534), les potiers Tang privilégient celle du cheval au dressage, comme en témoigne cette grande figurine.

Fixés aux racines des oreilles, deux appendices figurant des cornes ajoutent une aura magique au spécimen. Connus dès la dynastie des Han, le cheval « cornu » porte le symbole du cheval-dragon, créature de la mythologie chinoise, qui traduit d’abord l’admiration que les chinois ont pour l’animal lui-même. 

Christ en croix

^{Bois polychromé
XVIe siècle, atelier de Ligier Richier ? (1500-1567)
Hauteur : 115.5cm ; largeur : 64cm ; Profondeur : 20cm
D.R.137}

En juillet 1936,  Edouard Salin fait paraître un article dans la Gazette des beaux-arts, dans lequel il attribue le Christ en croix de Montaigu à la main de Ligier Richier. L’auteur convainc en comparant la tête du Christ avec celles conservées au Musée du Louvre (provenant de l’abbatiale de Saint-Mihiel) et à la Société du protestantisme français (du retable de la Chapelle des Princes de Bar-le-Duc), toutes deux attribuées au sculpteur. La couronne faite d’épais rameaux enlacés avec de fortes épines, les yeux enfoncés sous une arcade sourcilière large et sinueuse, les plis caractéristiques de souffrance à la base du nez, la barbe bifide, la lèvre supérieure relevée par une contraction de douleur qui entrouvre la bouche sont les éléments qui emportent l’adhésion.

Malgré de sérieuses argumentations, la sculpture, inconnue jusqu’alors, ne sera ensuite pas retenue pour faire partie du « Panthéon » des œuvres données au grand maître samiellois. En réalité, dans la bibliographie conséquente dédiée à Ligier Richier, l’œuvre de Montaigu ne sera discutée que dans trois courtes notices de catalogues d’exposition (1985, 2016 et 2018) et dans un article plus étoffé du Bulletin de l’histoire de l’art français daté de 1986.  Trois des auteurs concluent en faveur d’une sculpture d’atelier en raison du traitement allongé du thorax avec la taille bien marquée, de la figuration des muscles intercostaux et du ventre creusé, critères qui ne correspondent pas aux canons de Ligier Richier.

S’agit-il d’un ou plusieurs élèves innovateurs de l’atelier, d’un sculpteur contemporain voire d’un suiveur, formés auprès du grand maître ?